Dimanche antifasciste à Villeurbanne

Publié par Laurent Legendre le

C’est avec beaucoup de plaisir et de détermination que nous avons participé à l’intégralité de la journée du 12 novembre 2023 qui s’est déroulée au Centre Culturel de la Vie Associative à Villeurbanne. Le collectif Fermons les Locaux Fascistes organisait cet événement d’une ampleur nationale, avec de nombreuses conférences sur toute la journée de 10h à 19h. La fréquentation a été au rendez-vous avec des salles pleines tout au long de la journée et une salle de conférence archi-comble pour la clôture avec la présence d’Edwy Plenel.

Cette journée avait aussi une forme de revanche symbolique puisqu’Eric Zemmour avait réussi à utiliser cette salle de Villeurbanne pour la dédicace de son livre le dimanche 25 mars 2023. A l’époque, malgré une belle manifestation, nous n’avions pas réussi à empêcher Reconquête de promouvoir sa haine. 6 mois plus tard, symboliquement, nous rappelons que Villeurbanne est fidèle a sa tradition antiraciste par une belle mobilisation au-delà de ce qui pouvait être attendu.

L’extrême droite au pouvoir

Nous avons suivi plusieurs conférences, dont celle avec la députée de la Loire Andrée Taurinya et Josie Boucher, militante antiraciste de Perpignan, seule ville de France de plus de 100 000 habitants gouvernée par le Rassemblement National : qu’est-ce que l’extrême droite au pouvoir ?

L’accès de 88 députés d’extrême droite à l’Assemblée Nationale est un fait majeur de la Vème République et de la mandature en cours depuis Juin 2022. L’histoire d’ailleurs serait-elle cynique d’avoir envoyé exactement 88 députés ? Nous verrons pourquoi ce chiffre nous interpelle plus loin dans cet article. Mais au-delà de la présence importante, ce qui est soulevé par notre députée insoumise, c’est l’accès de l’extrême droite à des postes clés du pouvoir de la République, telle que le bureau de l’Assemblée Nationale, la Cour de Justice de la République, et certains postes ayant accès aux données du renseignement intérieur.

Pour Perpignan, la militante a bien expliqué comment le Rassemblement National fait de cette ville son laboratoire pour obtenir sa notabilité auprès de la bourgeoisie locale. Comme ailleurs, l’accès au pouvoir du RN s’est fait sur une décrépitude de la droite locale, jusqu’au moment où les ménages bourgeois rejoignent dans leur vote la contestation populaire des ménages qui souffrent de la disparition des services publics. Même si elle paraît plus lissée qu’à Béziers, la politique de la Ville de Perpignan n’en est pas moins violente, avec une bataille culturelle axée sur la disparition de la culture catalane de Perpignan par exemple.

Les outils de lutte numérique contre l’extrême droite

Nous avons retrouvé dans une autre conférence le Youtuber Usul au côté d’une journaliste d’Acrimed et d’un journaliste indépendant, créateur du site INDEXTREME. L’échange a été riche d’enseignement sur la dynamique d’utilisation des réseaux sociaux par l’extrême droite depuis les années 2000 et comment la toile peut être à la fois un formidable outil au service de la cause anticapitaliste comme l’a fait la France insoumise en 2017, mais aussi en miroir le moteur des dynamiques racistes, homophobes et virilistes. La législation semble parfois avoir rattrapé les réseaux d’extrême droite avec la fermeture du compte Youtube d’Alain Soral.

Le travail de Ricardo Parreira nous a semblé riche également sur le décryptage des symboles de l’extrême droite sur le net. C’est là que nous revenons sur le symbole du chiffre 88, qui représente pour le mouvement nazi le Heil Hitler, la lettre H étant la 8ème lettre de l’alphabet. C’est donc un clin d’œil bien cynique de l’histoire que le RN est aujourd’hui 88 députés, alors qu’ils avaient 89 députés en juin 2022, mais qu’ils sont perdus un siège à l’occasion d’une législative partielle. Que le RN en profite aujourd’hui pour se draper dans la lutte contre l’antisémitisme avec le blanc-seing du gouvernement nous laisse un goût bien amer.

La conclusion que nous retenons de cette conférence est la nécessité pour la lutte antifasciste et anticapitaliste de promouvoir ses propres médias, ses propres contenus, ses propres moyens de diffusion. Il ne faut plus rien attendre du système médiatique au main des milliardaires et il est vain de déployer son énergie à lutter sur le terrain de l’extrême droite dans ses propres cercles d’influence. Cela rejoint d’ailleurs une autre analyse que nous avons pu lire chez Pablo Iglesias, anciennement de PODEMOS en Espagne : “Les médias sont plus important que les partis”.

Fermons les locaux fascistes

La clôture de la journée aura mis à l’honneur le travail de fond réalisé par le collectif qui œuvre auprès des pouvoirs publics pour l’éradication des groupuscules d’extrême droite et la privation de leurs moyens matériels et financiers. Tristement, malgré les alertes et les faits connus et documentés depuis des années, rien n’est fait par l’État, que ce soit par la Préfecture ou par le Ministre de l’Intérieur. Le travail journalistique local par Rue89Lyon a même permis de mettre à jour que ces groupuscules avait accès au local de la Fédération des association familiales catholiques (AFC69) ! Un comble ! Mais qui montre à quel point l’inaction sur ce sujet révèle en réalité un soutien discret d’une partie des réseaux lyonnais qui laissent perdurer cette situation. Il est donc désormais toléré à Lyon de pouvoir déambuler la nuit dans les rues, masqués, armés et en bande organisée pour agresser et faire régner la loi du plus fort. Jusqu’à un assassinat ? Bravo donc au collectif qui fait le travail d’alerte et qui a tout notre soutien.

Solidarité entre femmes à la rue

Pour conclure cette journée, le CCVA étant occupé depuis quelques jours par le collectif “Solidarité entre femmes à la rue”, nous avons pu assister à la jonction des luttes avec une place à la tribune de la part de ces femmes qui cherchent à faire valoir le droit d’accéder à un logement digne. La Ville de Villeurbanne joue son rôle de solidarité en proposant des solutions d’occupation temporaires, qui sont pour l’instant rejetées par la Préfecture, dont la nouvelle préfète Fabienne Buccio est malheureusement fidèle à la réputation qui l’a précédée. C’est sans l’État à ce stade qu’il va falloir trouver des solutions d’accueil digne et de solidarité.

Rester humain reste un combat du quotidien.

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