MISE EN ŒUVRE DE LA LOI PLEIN EMPLOI

Publié par Pauline FIVEL le

Mise en oeuvre de la loi plein-emploi

Je suis plusieurs fois intervenue déjà sur la question du RSA pour lutter contre cette idée reçue très répandue : celle selon laquelle les personnes bénéficiaires du RSA seraient des « assistés ». Je constate depuis quelques semaines avec le débat budgétaire et la taxe Zucman qu’on finit par trouver des « assistés » très riches. Pour revenir aux bénéficiaires sur RSA, l’idée reçue serait qu’ils ne feraient pas d’efforts, et qu’il suffirait de les « remettre au travail » pour régler les problèmes de précarité.

Or, cette vision repose sur une définition très limitée du travail, uniquement centré sur l’emploi rémunéré et productif au sens économique. Pourtant, le travail ne se résume pas à un emploi rémunéré. C’est une réalité complexe, qui prend plusieurs formes, toutes liées entre elles. Quand on parle de la « centralité du travail », on parle aussi de la manière dont nos sociétés ont été organisées autour de l’idée que chacun doit être « mis au travail » pour produire de la valeur – au sens économique du terme. Cette vision s’est imposée en Occident au fil des siècles, avec l’essor du capitalisme.

Dans ce système, ce qui est considéré comme ayant de la valeur est ce qui peut être mesuré, comptabilisé, échangé : ce qui rapporte de l’argent. Cela a mis l’économie au centre de tout, au détriment d’autres dimensions de la vie sociale. L’économiste Karl Polanyi parlait d’une économie devenue « désencastrée » : c’est-à-dire séparée des autres besoins et liens humains, comme si elle fonctionnait toute seule.

Dans ce modèle dominant, le travail est vu comme une force de production, une manière pour les humains de transformer la nature, de la maîtriser, pour survivre et se développer. La rémunération (le salaire, les allocations) devient alors la part que la société accorde au travailleur – souvent dans un rapport de force, car ces règles sont fixées par un ordre social et politique (entreprises, État, droit…).

Elle oublie que le travail, c’est aussi tout ce qui permet de faire vivre une famille, de gérer une maison, de se battre chaque jour contre la précarité, de faire face à la complexité administrative. Ce sont des tâches invisibles, souvent non rémunérées, mais indispensables à la cohésion sociale.

Les allocataires du RSA le racontent eux-mêmes, ce qu’est ce travail invisible : leurs démarches, leurs luttes quotidiennes, leur charge mentale. Ce travail-là mérite notre reconnaissance, pas des sanctions ou des injonctions hors de portée.

Pourtant, les conventions État-Départements sur le RSA continuent d’imposer des obligations lourdes, avec des moyens humains et financiers insuffisants pour un accompagnement digne. Cette contradiction crée une pression injuste sur les allocataires, et ne favorise ni leur insertion, ni la justice sociale.

Cette délibération ne fait pas exception. Par exemple, si elle permet de remettre en route l’accompagnement réussi à Givors-Grigny, le reste du territoire n’échappe pas à des moyens beaucoup trop limités.

Par exemple, une partie non négligeable dans cette convention décrit le projet complexe de la transmission des données du département/Métropole à France Travail, que l’État ne finance qu’à 50% !

L’autre partie de la convention reconnait qu’on ne suit pas un certain nombre de bénéficiaires – qui seraient réfractaires à l’accompagnement ? cela semble sous-entendu – et donne l’obligation de les suivre mais avec des moyens limités. Comment peut-on croire à un suivi obligatoire avec des travailleurs sociaux qui devront suivre plusieurs centaines de personnes chacun ?

La convention précise que les informations sur les sanctions prises envers les allocataires seront transmises à France Travail. La Métropole est pour l’instant encore souveraine pour accorder les sanctions et donc éviter par exemple les injonctions de plus en plus forte à la radiation mais jusqu’à quand ? Quelle garantie que ce sera toujours le cas plus tard dans cette Métropole ? Par largement, quelle garantie a-t-on dans l’avenir qu’il ne s’agira pas d’un dossier qui suivra toute sa vie un bénéficiaire ?

Enfin la seule convention qui indique le dispositif tout à fait intéressant qu’on appelle « dites-le nous une fois » ne concerne … que les entreprises, c’est dommage que ce ne soit pas également écrit pour les bénéficiaires ! Car comme le dit Rémi Lemaître dans l’article récent d’Alternatives économiques, « Vivre du RSA, c’est un vrai boulot » !