Pour construire dès maintenant un retour à la justice et à la fraternité

Publié par Pauline FIVEL le

Il y a une semaine déjà, le jeune Nahel était abattu par un policier à Nanterre pour un refus d’obtempérer. Plusieurs nuits de grandes tensions s’en sont suivies dans les périphéries et centres des villes de France, avec pour seule réponse une réponse répressive. Une semaine après, aucune proposition politique pour sortir de la crise de manière durable n’a été énoncée par le gouvernement.

Nous, élus insoumis de la Métropole de Lyon, assumons notre responsabilité républicaine et appelons à construire dès maintenant un retour à la justice et à la fraternité dans notre pays.

Créer les conditions du calme commence par essayer de comprendre

Pourquoi écrire aujourd’hui ? En aucun cas pour nous substituer à la parole des habitant.e.s des quartiers populaires, à leurs vies, à leurs vécus d’ailleurs si peu mis en avant aujourd’hui. Mais pour jouer, en humilité et à notre niveau notre rôle d’élu. Plutôt que de systématiquement s’adresser dans des postures injonctives aux représentés, nous en appelons à la responsabilité, à notre responsabilité de représentant. C’est à dire créer les conditions politiques et démocratiques du retour au calme.

Comment ? En s’extrayant des effets pour d’abord essayer de comprendre les causes. 

Les quartiers populaires subissent depuis de nombreuses années une ségrégation spatiale et sociale inacceptable. Les services publics essentiels tels que l’éducation, les transports, la santé et la police ont été négligés, privant les habitants de ces droits, bien mieux équilibrés sur les territoires voisins. Le taux de pauvreté y est trois fois supérieur à celui des autres régions, témoignant d’une maltraitance sociale persistante et d’un désintérêt flagrant de la part des institutions publiques et du gouvernement, qui, en enterrant le plan Borloo en 2018, a fait délibérément de la politique de la ville son angle mort. D’entre tout le fait démocratique y a été effacé. 

Un racisme institutionnel qui accentue l’injustice

En plus du sentiment d’abandon et de trahison causés par cette indifférence politique, les habitants des quartiers populaires doivent également faire face à une réalité difficile, que la France refuse de reconnaître malgré les avertissements des institutions internationales et malgré l’évidence. 

Confrontés à une stigmatisation et à un racisme institutionnel, notamment dans la police, les habitants des quartiers populaires sont victimes d’une violence policière, devenue norme. Le refus des politiques de reconnaître cette réalité et de la nommer ne fait qu’accentuer le sentiment d’injustice. 

Cette violence policière est également le résultat du désengagement de l’État, qui a étranglé financièrement les associations de proximité et démantelé les services publics. Le tout en confiant aux forces de l’ordre une mission impossible à tenir : maintenir la paix sociale dans un État marqué par une injustice sociale flagrante et par des insultes publiques à l’encontre des quartiers défavorisés. 

La mort de Nahel ne peut être considérée comme une simple erreur isolée. Elle est le résultat prévisible de l’absence de responsabilité politique durant ces trente dernières années, influencée par les pressions corporatistes au sein de la police. Cette institution n’a cessé de franchir les limites de l’État de droit, malgré l’adoption répétée de lois restreignant les libertés individuelles sous prétexte de lutter contre la délinquance ou le terrorisme.

En 2017, la modification du Code de la sécurité intérieure a facilité l’usage des armes à feu par les forces de l’ordre. Les résultats n’ont pas tardé à se faire sentir : le nombre de personnes tuées par la police a doublé depuis 2020 par rapport aux années 2010, principalement lors de situations de refus d’obtempérer. Une multiplication par cinq des tirs mortels dans de telles circonstances. 

Une prolifération fulgurante des idées d’extrême droite

Tout cela se déroule dans un contexte où les idées et les mouvements de gauche sont en proie à une oppression et une calomnie qui dépasse l’entendement. Dissolution des Soulèvements de la Terre dénonciation du « wokisme », stigmatisation de la France Insoumise comme d’un mouvement dangereux et hors du champ de la République, suppression des subventions à la LDH, retrait de l’agrément de l’association ANTICOR… 

Tandis que, de l’autre côté, les idées d’extrême droite prolifèrent sans complexe dans le discours public. Aussi, les actions décomplexées dans l’espace publique se multiplient à grande vitesse, à l’image de l’action des militants des Remparts à Lyon le week-end dernier. L’arrestation d’un groupe armé à Bron ayant pour projet « de se faire des Noirs ou des Arabes ». Le communiqué du syndicat majoritaire de police appelant à “imposer le calme face à ces hordes sauvages” et prônant “la lutte contre ces nuisibles ». La récolte de plus d’un million d’euros pour la famille du policer ayant tué Nahel, orchestré par un haut fonctionnaire d’extrême droite qui a bénéficié de milliers d’euros d’argent public pour des missions fictives.

Pour retrouver le calme, la justice doit être faite vis-à-vis de ces violences qui instillent des mécanismes du fascisme que nous combattons corps et âme .

Pour retrouver le calme, créons les conditions de la justice et de la fraternité

Alors, se rassembler au pied des mairies entre classes sociales favorisées des centres villes pour assurer une concorde républicaine est nécessaire, mais largement insuffisant, en décalage avec la réalité et l’urgence de retrouver une décence et une humanité. 

En jetant l’opprobre sur une partie de la société plutôt que sur une autre, une fracture se creuse. Ne pas dénoncer cette situation revient à l’accepter. 

Dans l’immédiat, nous demandons donc l’application des mesures suivantes : 

  • Créer de la justice en abrogeant la loi de 2017 sur l’assouplissement des règles en matière d’usage des armes à feu par la police. 
  • Créer de la justice en réformant en profondeur la police, ses techniques d’intervention et de son armement. 
  • Créer de la justice en remplaçant l’IGPN par un organisme indépendant de la hiérarchie policière et du pouvoir politique – 
  • Créer de la justice avec le déploiement d’une véritable politique de la ville, avec les moyens en conséquence de redonner aux quartiers populaires les services publics auxquels ils ont droit.  
  • Créer de la justice en jugeant les violences racistes et les actes de l’extrême droite.

Et créer une fraternité en retrouvant chacune et chacun le bon sens commun et l’humanité envers les 67 millions de voisines et de voisins que nous sommes dans notre pays.

Nous appelons à rejoindre les marches citoyennes du samedi 8 juillet dans toute la France.

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