Pourquoi faut-il s’en prendre au patrimoine des milliardaires ?

Publié par Laurent Legendre le

Connaissez-vous la différence entre 1 million de secondes et 1 milliard de secondes ?

1 million de secondes, c’est 11 jours….

1 milliard de secondes, c’est 31 ans….

A travers cette note de blog, nous souhaitons contribuer au débat sur l’instauration d’une limite à l’accumulation, vertueuse pour l’organisation économique de la société. Voilà un beau débat philosophique dans un moment des enfants dorment encore à la rue et où l’on aurait besoin d’investissements massifs pour faire la transition écologique nécessaire pour nous adapter au réchauffement climatique. 

Je pense profondément que le plafonnement du patrimoine détenu par un individu permettrait à notre société d’être plus juste et plus efficace, sans être pour autant une caricature d’un système où tout le monde aurait exactement la même chose.

L’économie sociale et solidaire propose un rapport de 1 à 7 entre les plus hauts et les plus bas revenus, voilà un premier étalonnage, d’autre système propose un rapport de 1 à 20. Mais l’angle mort actuel est de parler des inégalités de revenus sans parler des inégalités du patrimoine.

Les milliardaires sont pourtant de plus en plus nombreux, il y en avait 470 il y a 20 ans, mais 2700 en 2022 au niveau mondial. La France contribue largement à ces statistiques : en 2024, le nombre de milliardaires français progresse à 147, contre 141 en 2023 et 67 il y a dix ans.

Alors voici quelques arguments pour dire à quel point être milliardaires en 2024 relève de l’indécence et qu’il est temps collectivement de mettre une limite au-delà de laquelle on ne pourrait plus accumuler.

Parce qu’ils payent moins d’impôts que les autres !

Une étude de l’Institut des Politiques Publiques de juin 2023 conclut que “le taux d’imposition global des revenus […] est progressif jusqu’à un niveau élevé de revenus, mais devient fortement régressif au sein de la population des 0,1% des ménages les plus aisés.”

Les éléments clés de l’étude sont les suivants :

  • “Le taux d’imposition effectif des ménages français apparaît […] progressif jusqu’à des niveaux élevés de revenu. Il atteint 46 % pour les foyers appartenant aux 0,1 % les plus riches.
  • Le taux d’imposition effectif devient régressif au sommet de la distribution, passant de 46 % pour les 0,1 % les plus riches, à 26 % pour les 0,0002 % les plus riches.
  • Pour les « milliardaires », l’impôt sur le revenu ou l’ISF ne représentent qu’une fraction négligeable de leurs revenus globaux, alors que l’impôt sur les sociétés est le principal impôt acquitté.
  • Le taux plus faible d’imposition des plus hauts revenus s’explique par le fait que l’imposition des bénéfices des sociétés est plus faible que l’imposition des revenus personnels.”

Il existe donc bien une distorsion de l’impôt spécifiquement pour les milliardaires, il font sécession et arrivent à échapper à l’impôt. Des mesures particulières visant ce public sont donc appropriées !

Parce qu’ils dépensent mal leur argent !

A un certain stade de l’accumulation, le capital ne va plus dans l’économie réelle. Il part dans les sphères financières mondiales, consacrée à la spéculation. Ce regroupement de capitaux financiers dans les mains d’une seule personne devient complètement inefficace, car ses dépenses n’alimentent plus le tissu économique local et national. Répartir différemment cet argent en le redistribuant aux plus pauvres auraient l’effet bénéfique immédiat d’alimenter l’économie réelle et de générer du chiffre d’affaires dans les territoires, et donc des emplois, des recettes fiscales pour l’État et des cotisations sociales pour la Sécurité Sociale.

Parce qu’ils détruisent des emplois !

Prenons en exemple Bernard Arnaud, car il illustre bien comment la richesse des uns fait le malheur des autres. 

Il doit son premier emploi à son père, dont il a hérité. Puis, lorsqu’il a racheté les textiles Boussac, il a fait sa fortune en appliquant un plan de licenciement drastique et en vendant les actifs à la découpe comme un vulgaire patron-voyou ­— non sans empocher les aides publiques. Tant pis pour les milliers de familles modestes victimes de cette brutalité sociale… 

C’est aussi un évadé fiscal. 81 % des actions de son groupe personnel sont hébergées en Belgique, paradis fiscal au cœur de l’Europe où les taxes sur les actions et les successions sont au plus bas. Le groupe LVMH compte plus de 200 filiales offshores. L’image du milliardaire généreux ne doit pas occulter la réalité : celle d’une cupidité dévorante satisfaite aux dépens du fisc, et donc des Français.

La richesse des milliardaires tient donc à la mondialisation de la finance, dont les délocalisations et l’évasion fiscale sont les règles du jeu, au détriment des emplois locaux.

Parce qu’ils choisissent à la place de la collectivité ce qu’il faut produire !

C’est peut-être le cœur de la problématique : ces milliardaires peuvent choisir ce que la société doit produire et profitent de leur accumulation pour se soustraire au débat collectif sur la nécessité de tel ou tel investissement. En ayant capter une bonne partie de la richesse produite par les travailleurs (premier vol), ils s’octroient ensuite le droit de décider quoi produire et comment, au détriment des travailleurs, des consommateurs et des élus (deuxième vol).

Que ce soit pour l’industrie automobile polluante, l’industrie du numérique, les produits de luxe, les yachts, les jet privés ou l’industrie de l’armement, il n’y a pas eu de choix démocratique pour vérifier si l’intérêt général était respecté avant d’engager en masse ces objets dits “du progrès”. C’est uniquement la rentabilité à court et moyen terme pour les investisseurs qui enclenchent la production. Il y a un lien direct entre les milliardaires et l’injonction à tous posséder individuellement une voiture électrique et un téléphone 5G dernier cri. A quel prix environnemental et social ? Le débat n’a jamais eu lieu !

Parce qu’ils détiennent les médias et nous dise à quoi penser !

Un groupe de dix milliardaires représente 90 % des ventes de quotidiens nationaux, 55 % de l’audience des télévisions et 40 % de celle des radios. Ils s’appellent Xavier Niel, Bernard Arnaud, Arnaud Lagardère, Daniel Křetínský, Martin Bouygues, Vincent Bolloré ou, plus récent à être entré dans ce club, Rodolphe Saadé. Le patron de l’armateur CMA-CGM, installé à Marseille, a, en quelques années investi dans le journal marseillais La Provence, racheté La Tribune, créé La Tribune dimanche pour s’opposer au rachat du Journal du dimanche par Vincent Bolloré, et racheté au patron du groupe Altice et de SFR, Patrick Drahi, très endetté, Altice Médias soit la chaîne BFM et les chaînes de radio et de télé RMC.

De fait, une problématique se pose autour de laquelle les avis divergent : ces milliardaires aux idéologies politiques bien ancrées achètent-ils de l’influence ? Poser la question, n’est-ce pas y répondre ? Mais surtout comme le décrypte ACRIMED, l’avantage de détenir des médias, c’est choisir l’agenda des informations qui sont au centre de l’actualité, jour après jour, faisant écran de fumée par rapport à d’autres sujets potentiellement plus important. Il serait grossier de nous dire quoi penser, mais le fonctionnement actuel des médias reposent sur le choix d’un flux d’informations quotidien en apparence important, mais qui nous empêchent de prendre du recul.

Parce qu’ils sont souvent d’extrême droite !

C’est le cas d’Elon Musk pour prendre l’exemple à l’international le plus criant. Soutien de Donald Trump. En deux ans, il a transformé Twitter en instrument de pouvoir au service de ses idées, qui n’en finissent pas de dériver vers l’extrême droite sous couvert de la défense de la liberté d’expression. Le milliardaire sait aussi se montrer conciliant, y compris avec les régimes autoritaires, quand ses intérêts sont en jeu.

Plus localement, on peut citer Christian Latouche qui a flirté, aux débuts des années 2000, avec Bruno Mégret et Jean-Marie Le Pen. Patriote voire réactionnaire, l’homme d’affaires prône aussi une vision ultra-libérale de la société. Pour faire le lien avec le chapitre précédent, c’est pourtant lui qui est propriétaire de Lyon Capitale et Sud Radio.

A travers ces deux exemples, la proximité des ultras-riches avec l’extrême droite de l’échiquier politique ne fait pas de doute. Il est établi par ailleurs que les riches sont moins empathiques avec les plus démunis. Un nombre croissant d’études démontrent qu’être riche changerait notre façon de voir le monde : plus on a d’argent, moins on prêterait attention aux autres et à leurs problèmes.

Parce qu’ils ravagent la planète !

A l’ère du réchauffement climatique, l’humanité a-t-elle besoin du SuperYatch Somnio d’une longueur de 222 mètres pour un coût de 600 millions de dollars, livré en 2024 et dont le nom des propriétaires est tenu secret ? Bien sûr que non. Ces appareils de luxe sont inutiles et polluants. Ils dégradent notre environnement pour le sur-confort d’une poignée de personnes sur la planète.

C’est également le cas pour tous les déplacements en jet privé dont les milliardaires sont friands. 1 % des plus riches sont responsables de 50 % des émissions de carbone du secteur aérien. Certains usagers de l’aviation privée produisent jusqu’à 7 500 tonnes de CO2 par an. Près de 700 fois plus que la moyenne des Français.

Enfin, les nouveaux seigneurs investissement en France la Sologne pour privatiser une partie de la forêt française pour s’adonner à la chasse à cour. À deux heures de Paris, la Sologne, terre de forêts et d’étangs, est jalonnée de châteaux et de manoirs, aux mains des barons de l’industrie, du show-business et du luxe. L’automne venu, les Bouygues, Dassault, Wertheimer, Seydoux et autres Tranchant invitent hommes politiques et stars de la télé à s’adonner à la chasse au cerf ou au sanglier. Une passion dévorante, parfois à l’excès. Pour se protéger, de grandes propriétés sont entourées de 4 000 kilomètres de grillages qui piègent la faune sauvage. Sous les miradors, les barbelés et les caméras de surveillance, le gibier, affolé, devient cible de ball-trap, sans échappatoire.

Les milliardaires sont des prédateurs pour le vivant.

Notre proposition

Au niveau national, la France insoumise propose une taxe de 2% du patrimoine au-dessus d’un milliard d’euros : pour notre territoire cette simple mesure représenterait déjà 250 millions d’euros de recettes supplémentaires à se répartir entre l’État, les collectivités locales et la Sécurité Sociale. Cette mesure a été adoptée le 25 octobre 2024 sous forme d’amendements dans le cadre du budget de l’État pour 2025 à l’Assemblée Nationale, avant d’être rejetée par un vote conjoint de macronistes avec l’extrême droite.

Le groupe “Métropole insoumise, résiliente et solidaire” propose d’aller plus loin.

Nous proposons de compléter cette taxation avec une taxe locale de 1% sur le patrimoine au-dessus de 1 milliard d’euros. Cela représente 126 millions d’euros de recette pour la Métropole de Lyon pour 10 personnes taxées pour le bénéfice de 1,4 millions d’habitants. Avec ces nouvelles recettes, nous pourrions élargir la gratuité des transports en commun au moins de 25 ans, augmenter la prise en charge des mineurs et de femmes à la rue, rénover les collèges, préparer plus rapidement notre territoire au changement climatique, etc… Cette contribution n’aurait rien de confiscatoire : les 10 milliardaires réunis conserveraient encore 22,3 milliards d’euros de patrimoine à se partager.

Conclusion

Pour aller plus loin, face à la concentration des richesses dans quelques mains, nous affirmons que nous n’avons pas besoin de milliardaires pour faire fonctionner l’économie. Ils sont au contraire un frein à la justice sociale et à la bifurcation écologique. Limiter l’accumulation du patrimoine des ultra-riches est une mesure à la fois socialement juste et écologiquement nécessaire.

Il en va de la cohésion sociale de notre territoire, de notre capacité à garantir des services publics de qualité, à déployer des politiques de solidarité et à réaliser une véritable transition écologique nécessaire.

Ensemble, mobilisons-nous pour une répartition plus équitable des richesses et un avenir solidaire pour la Métropole de Lyon.

Laurent LEGENDRE, le 17 novembre 2024

Bibliographie

https://www.frustrationmagazine.fr/pas-besoin-des-milliardaires

https://inegalites.fr/Rapport-sur-les-riches-en-France-edition-2024

https://www.ipp.eu/publication/16253

https://www.challenges.fr/classements/fortune/2024/#classment

https://www.forbes.fr/classements/classement-milliardaires-forbes-octobre-2024-qui-sont-les-dixpersonnalites-les-plus-riches-au-monde

https://elucid.media/analyse-graphique/inegalites-patrimoine-france-10-plus-riches-possedentmoitie-patrimoine-menages-2024

https://www.banque-france.fr/system/files/2024-02/BDF250-6_Comptes.pdf

https://www.liberation.fr/checknews/est-il-vrai-que-90-des-grands-medias-appartiennent-a-neufmilliardaires-20220227_7J3H2INMD5GOPBN7YJ77C33KRY

https://www.mediacites.fr/enquete/lyon/2023/11/28/biomerieux-le-bilan-carbone-vertigineux-desvols-en-jet-prive

https://www.mediacites.fr/enquete/lyon/2020/09/29/yacht-ferrari-champagne-la-fortune-desbahadourian-cachee-dans-les-paradis-fiscaux

https://region-aura.latribune.fr/strategie/services/2004-10-03/christian-latouche-proche-du-front-national.html

https://www.admagazine.fr/galerie/superyachts-proprietes-cheikhs-oligarques

https://www.marianne.net/agora/humeurs/bernard-arnault-symbole-de-la-fausse-generosite-des-milliardaires

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