Les enjeux autour de la création de la régie publique

Publié par Laurent Legendre le

Intervention sur le cadre stratégique et la création de la régie publique de l’eau par Florestan GROULT, élu du groupe « Métropole insoumise, résiliente et solidaire », lors du conseil de la métropole de Lyon des 13 et 14 Décembre 2021.

Intervention de l’élu Florestan GROULT

Je voudrais d’abord apporter hommage à chacune et chacun qui se sont battus pour faire advenir un choix, une vision politique de l’eau. Citoyens, politiques, journalistes … L’eau comme bien commun pour la ressource et l’eau comme service essentiel en gestion publique pour l’eau potable. Fruit de leur détermination à un monde plus juste. Je suis honoré et très fier de voir cette régie publique advenir, et de relayer et poursuivre leurs actions au côté de Mme. la Vice-Présidente Anne Grosperrin, car oui, l’eau c’est un besoin vital qui se lie à une multitude d’usages sociaux essentiels parmi lesquels ceux de l’hygiène et de la dignité. Tous relèvent en tant que tels de droits fondamentaux. Pourtant, à certains endroits en France, ils ne sont même plus possibles comme en Guadeloupe ou à la Réunion.


Partout, l’accès à l’eau est menacé


Financiarisation, privatisation de la ressource par les bassines ou les barrages, pressions quantitatives et qualitatives toujours plus grandes, réchauffement climatique… Ces menaces ne sont pas le fruit du hasard, d’une fatalité, ce ne sont pas des défis qui sortent de nulle part. Non, ce que je voudrais rappeler, c’est que ce sont les produits, les conséquences de choix, d’un militantisme ultra-libéral, d’un fondamentalisme de marché.

De choix que, mesdames et messieurs les conseillers qui voteront encore et toujours contre ces délibérations, vous refusez de changer, ni même simplement d’interroger, ou d’y voir le sens politique profond sur lequel nous avons maintes et maintes fois débattu. Il n’est pas trop tard, et pourquoi pas au terme de cette heure de débat changer d’avis ? Je vous y invite.

L’aspect essentiel de l’eau, c’est tout le sens des délibérations d’aujourd’hui. Présenter de manière conjointe ces 2 délibérations, cadre stratégique à horizon 2030 d’une part, statuts de la régie publique d’autre part, revêt un sens fort. Cela matérialise la cohérence de notre vision politique :

• D’un côté, une autorité organisatrice forte qui pense le service via une vision stratégique de long terme, intégrée et articulée avec l’ensemble des autres politiques publiques de la Métropole.

• De l’autre côté, une régie publique autonome, c’est-à-dire un outil industriel au service de cette vision, qui possède la pleine maitrise technique, politique et organisationnelle pour faire fonctionner ce service.


Entre les deux, il y a une interface à construire. D’un contrôle public-privé, nous passerons à un partenariat public-public, stimulant, innovant qui n’aura rien à lui envier. Bien au contraire, il y a un contrat d’objectifs à établir ensemble, des évaluations avec la même qualité, des formats novateurs, et pourquoi pas des regards croisés de régie à régie. Alors, présentons le cadre stratégique d’abord. Qu’en restituer ici, car malgré les esprits chagrins, il a été largement mis en partage et discuté avec l’ensemble des groupes de cette assemblée qui ont pu donner leur avis et contribuer à son élaboration.


• Premièrement, il affirme une gestion de la ressource en bien commun, en dehors des logiques d’accaparement.

• Deuxièmement, il installe l’idée que le service public est l’instrument d’accès à un droit, et non pas la fourniture d’un bien commercial comme les autres. Car oui, là est toute la différence de notre pensée politique. La construction sociale volontaire et démocratique de ne pas considérer que tout ce vaut, qu’il y a des biens plus essentiels que d’autres. Il y en certains sur lesquels reposent la vie humaine et la dignité et que l’eau en fait partie.


• Et bien sûr, il fixe les conditions pour garantir dans le temps la qualité et la fiabilité du fonctionnement de son infrastructure technique.

Mais avant tout ça, la première vertu de ce cadre stratégique, c’est qu’il initie un changement de paradigme majeur : ce n’est pas à l’eau à l’état naturel de s’adapter aux aménagements et aux modes de faire société, c’est aux aménagements et aux modes de faire société de s’adapter à la disponibilité de la ressource. Le défi est immense. Finie la croyance de la nature sans limites, qui peut fournir plus, toujours plus, et toujours plus jusqu’à déborder.

Finalement, ce cadre stratégique se fonde sur une chose essentielle : que ce qui est renouvelable n’est pas inépuisable ! Or, Mme la Vice-Présidente le rappelle, l’eau s’épuise : 50 % d’eau dans le Rhône à l’horizon 2050. Nous faisons face à la fonte totale des glaciers et à la disparition de leurs apports d’ici 2070.

Épuisé, je vais vous faire une confidence nous le sommes-nous aussi un peu. Et c’est de cette manière que j’aborderai plus précisément les statuts de la régie. Épuisé de devoir répéter encore et toujours ce que vous ne voulez pas entendre ou ce que vous voulez peut-être simplement ne pas regarder. Et j’en reviens aux choix et leurs conséquences, choix que vous ne voulez surtout pas changer sous prétexte que vous avez quelques pansements pour stopper les hémorragies qu’ils ont déclenchées.

Mais en présentant les avancées majeures de ces statuts, réessayons, pour cette fois encore, ensuite il faudra bien l’entériner et déployer notre énergie ailleurs.


La régie offre la possibilité d’une implication directe des usagers dans sa gestion et une démocratie renforcée.


Demain, par ces statuts, ce sont 4 usagers qui siègeront au sein du CA de la régie. Usagers qui vont proposer eux-mêmes, dans un exercice de concertation inédit, les modalités avec lesquels ils souhaitent se voir représenter pour une participation vivante et dynamique dans la durée. Si l’on compte les salariés, ces deux collèges représenteront à eux seuls 30 % des membres. Là encore inédit. Et puis bien sûr, en plus de la gouvernance métropolitaine et de la CCSPL, qui resteront inchangées, 14 élus siégeront directement au sein du conseil d’administration du futur établissement public, là où bien évidemment ils n’étaient pas à la table de l’administration de Veolia. Et n’en déplaise à l’agitation de vos habituels épouvantails antidémocratiques, la présence d’un représentant pour chaque groupe de cette assemblée prouve que vos remarques sur la forme à défaut du fond n’ont pas lieu d’être et que nous garantissons l’exercice démocratique en faveur de l’intérêt général. Celui que vous nous refusez à la Région.


Stratégique, la régie offre la possibilité d’une maitrise technique complète qui garantit notre souveraineté décisionnelle et stratégique à long terme, sans confusion avec des intérêts privés
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Demain, face aux enjeux immenses, sans cette maitrise technique, nous serons dépendants du bon vouloir d’intérêts privés qui, dans leurs objectifs, ne pourront jamais complètement s’extraire de la confusion de leurs buts, parmi lesquels faire du profit. Laisser ces connaissances être confisquées par le privé, c’est rendre vulnérable la souveraineté de la communauté à décider de la gestion de l’eau au service de toutes et tous. Cette maitrise technique, ces connaissances, ce savoir-faire ce n’est pas celui des actionnaires de Veolia, c’est celui des travailleurs. C’est un véritable trésor qui doit faire partie du patrimoine public. Vous qui êtes élus d’une collectivité publique, je suis quand même toujours fort attristé de votre vision des fonctionnaires, soi-disant pas capables de faire mieux, trop nombreux, et pas assez efficaces.

La régie garantit une absence de profit pour les capitalistes et le réinvestissement de ces derniers dans le patrimoine de toutes et tous

Nous croyons, que ces droits essentiels ne doivent pas faire l’objet d’enrichissements individuels ou de la rémunération d’actionnaires. Et ne nous caricaturez pas, ce n’est pas être anti-entreprise, ni anti économie que de dire que ce qui relève des droits fondamentaux doit sortir de la sphère du profit. C’est de dire que les 6 % de rentabilité officiels, qui ne comptent pas les marges indirectes, n’aillent pas enrichir des individus particuliers, mais bien pour les réinvestir pour la durabilité du patrimoine commun. À eux seuls, chacun de ces arguments a une pondération suffisante pour dépasser tous les autres.

J’ai hâte de travailler tous et toutes ensemble donc, pour déployer ce projet l’an prochain. D’ici là, aujourd’hui j’attends tranquillement vos remarques : des remarques inchangées depuis 1 an, sans contenu, sans vision politique, enfermées dans les carcans de votre dogmatisme libéral, aveugle aux changements du monde, prêtant à croire que la régie ne sera que moins attentive à sa gestion ou à ses salariés.


Mais, pour une fois je vous en prie, faites de la politique, pas de la polémique !


Mesdames, Messieurs, sans le faire déborder cette fois, je lève mon verre à ce qui nous fait vivre.