Intervention préalable

Publié par Florestan Groult le

Mesdames et Messieurs les élus,

La France est en demi-finale de la coupe du monde de football. Entre nous : qui ne le sait pas ?

La France est en demi-finale de la coupe du monde de football et j’aimerais juste m’en réjouir. Honnêtement, le fan de sport que je suis aimerait s’en réjouir. D’autant plus par cette affiche inédite, tellement mérité et attendue depuis des décennies, qui voit une équipe du continent africain pour la première fois atteindre ce stade de la compétition.

Et pourtant. Et pourtant je n’y parviens pas, pas complètement. Un air désagréable, est la persistant, omniprésent, qui contamine ce rdv pourtant attendu par les peuples du monde.

D’ailleurs cette air en quelque sort je la porte autour du bras. Et voilà le sens que de le porter aujourd’hui.

Je ne souhaite pas en détourner l’attention au nom de mon groupe et de la société que l’on défend.

– Car le sport fait société et la société fait le sport.

– Car le président Macron derrière des phrases contradictoire nient les vraies responsabilités.

– Car, ces responsabilités il faut les pointer, encore et toujours, pour déjouer cette rengaine où l’on relègue sur les individus les choix d’un modèle qui ne veulent pas. Un modèle qui les prive. En les mettant dans cette tension, la même dans laquelle je suis moi-même plongé, pris entre le souhait de célébrer et celui de dénoncer.

Alors il m’appartient aujourd’hui de le redire :

La coupe du Monde au Qatar n’est pas seulement l’attribution du plus grand évènement collectif à une monarchie gazière. Bafouant les droits humains. Discriminant les femmes et les minorités LGBTQIA+. Ayant pris les vies de 7000 ouvriers immigrés sur les chantiers et ayant mis en danger celles de milliers d’autres. Ce n’est pas seulement un scandale environnemental. Un non-sens à l’heure où l’urgence climatique nous enjoint à agir de manière commune, planifiée aux plus hauts niveaux de responsabilité.

C’est surtout l’image d’un système. Un système prédateur, débridé, mu par l’intérêt personnel. Une idéologie politique, au service des grands intérêts financiers et de multinationales sans morale ni perspective de l’intérêt général humain !


Il nous faut affirmer haut et fort qu’il est temps de siffler la fin de la partie. Car c’est un système dont nous ne voulons plus. Et nos concitoyens non plus.

La preuve en est dans cette solidarité avec le fait que les collectivités locales, dans notre Métropole comme ailleurs, aient à l’automne pris courageusement leurs responsabilités. En faisant le choix de ne pas diffuser les matchs  dans l’espace public, en décidant de ne pas engager l’argent du contribuable pour promouvoir la Coupe, elles résistent. Elles résistent contre des décisions prises en catimini sous les ors de la République. Elles résistent aux décisions de dirigeants, instrumentant sans vergogne nos passions et nos idoles de jeunesse.


Et nous apportons également notre soutien aux sportives et aux sportifs, aux spectatrices et aux spectateurs pris en étau entre le désir de vivre cet évènement, qui devrait être un moment de joie et de ferveur, et l’injonction parfois de le boycotter pour prouver leur solidarité.

Car ceux qui seraient tentés de voir dans cette prise de parole, une passion triste, l’esprit chagrin qui dit de ne pas se réjouir, vous n’y parviendrez pas. 

Car, nous ne nous trompons pas et ne nous y trompons pas : les responsables ne sont pas nos concitoyennes et concitoyens, ni les sportives et les sportifs. Lorsqu’un évènement met en branle des dizaines de milliards d’euros, lorsque les plus hauts dirigeants sont mentionnés, lorsque cette décision est opaque, et sans consultation des citoyens, qui seront pourtant les premiers à subir les effets néfastes de l’organisation d’un tel événement, toute tentative des responsables de faire porter le poids de la culpabilité sur le spectateur en lui demandant de s’infliger des sanctions à lui-même est une manœuvre indigne.

Plutôt qu’un boycott populaire, nous appelons alors à un boycott diplomatique.

Nous attendons des autorités politiques françaises, de la Ministre des Sports et du Président de la République une réponse politique à la hauteur de la situation.

Nous appelons également aujourd’hui les organisations sportives, et plus particulièrement la FIFA à repenser le système d’attribution des compétitions internationales, à démocratiser les choix sportifs et la gestion des fédérations.

Le sport touche à l’identification. Notre identification propre en tant que personnes, autant que celle de nos territoires et même notre identification nationale. Car c’est un récit commun qui nous lie, le souvenir de nos liesses, une mémoire joyeuse et un engouement collectif.

Derrière le but de Thuram ou de Trézégué, il y a une fierté commune qui vient transcender les clivages et qui ne doit pas être abandonné aux cupidités qui veulent en faire une marchandise sans âme.

Non, ils ne nous volerons pas le foot. Celui qui fait se lever le dimanche, celui qui permet de se faire des copains quand on descend dessiner à la craie un terrain dans un coin de place ou sur un petit bout de rue. Celui où l’on se retrouve pour s’enthousiasmer des audaces de nos joueurs et nos joueuses, du dimanche matin au dimanche soir où ils se rejoignent par millier supporter leur équipe de cœur.

Au-delà de ces dérives contre lesquelles nous luttons, il faut garder à l’esprit que les Coupes du Monde sont des rendez-vous attendus avec impatience. Autant par les passionnés, que par les curieux. Par tout un peuple finalement. Le peuple humain de la planète terre. Aussi ronde qu’un ballon.

A l’heure où l’inquiétude s’installe dans nos vies face aux crises de toutes natures, alors que le poison de la haine et du repli sur soi gagne du terrain, alors que les difficultés matérielles rendent le quotidien de millions de françaises et de français difficiles et triste, pointons du doigt les véritables responsables.

Alors dans la semaine qui vient, le sport produira ses émotions : certains se lèverons, d’autre pleurerons, les cris retetirons, …

Mais ensemble disons nous, plus jamais ça. Et c’est attaché à défendre cette promesse que j’attache ce brassard autour du bras aujourd’hui.

Pour que demain nous ayons des champions du monde et des compétitions dont nous serons fier.


Je vous remercie.